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Les plantes médicinales (Pierre Cabalion 2015)



Pour la médecine traditionnelle kanak, la plante médicinale véhicule la puissance du praticien, qui peut être guérisseur ou non. Celui-ci est détenteur de pouvoirs du clan, mis en oeuvre à la demande du patient ou de son entourage. La plante médicinale n'est pas seule à agir, elle fait partie d'un tout ; sa présence ne suffirait pas pour soigner, il faut aussi que le praticien prononce les paroles associées à cet acte thérapeutique, parfois considérées comme sacrées. Des pierres thérapeutiques, souvent appelées de manière erronée "pierres magiques" servent de support matériel à la thérapie, en représentant la cible des soins, comme des ignames ou des organes à traiter ; elles n'agissent pas par elles-mêmes et n'ont donc pas le caractère magique qui leur est prêté par commodité.





En résumé le traitement médicinal est entrepris par un membre du clan que l'on appellera le praticien, qui fait le diagnostic parfois à l'aide de pratiques divinatoires, qui prépare et administre le remède et qui suit le patient au long du traitement, tandis que des pierres particulières rappellent par leur forme quel est le but des soins.

MEDECINE TRADIONNELLE
Ce schéma général s'applique à diverses pratiques notamment celles de la médecine humaine, visant à guérir le Kanak dans son entourage social. Dévoiler ces pratiques en dehors du cercle clanique ou tribal autorisé, plus ou moins large, n'est pas permis. Le faire briserait le secret entourant cette série de remèdes qui constitue la "grande médecine" ou " médecine clanique" et la rendrait inopérante. 
Evidemment, les médicaments d'origine végétale employés dans ce cadre traditionnel ont fait l'objet d'une longue expérimentation qui a permis de trier peu à peu les espèces actives pour ne conserver que les remèdes satisfaisants. Pourtant la méthode de choix dans la nature des espèces à utiliser est souvent le rêve, parfois la divination mais aussi la théorie des signatures, le résultat est filtré ensuite par l'expérience qui a fait connaître les espèces intéressantes et éviter les espèces toxiques. C'est le procédé classique de l'innovation qui d'un individu isolé aboutit à une la nouveauté diffusée ensuite plus ou moins largement ou au contraire conservée dans l'entourage direct ou la descendance de l'inventeur. En résumé on peut dire que la médecine traditionnelle est la somme de tous ces savoirs et remèdes, éprouvés au cours des siècles. Elle pourrait être comparée à une corde en fibre de coco, chaque fibre étant associée en torons, eux-mêmes liés dans un ensemble plus puissant, la corde. Chaque petite fibre est indépendante, mais elle participe aux efforts de la corde tout entière. 
Les plantes sont connues pour leurs effets curatifs, mais aussi pour leur éventuelle toxicité.

SECRET
La conséquence du secret entourant la préparation de ces médicaments de la "grande médecine" est que personne d'extérieur au clan ne peut vérifier la validité du diagnostic et du traitement ; il n'existe en effet aucune référence générale communément ou légalement admise ; le patient doit faire confiance au praticien et seule la guérison du malade signe le succès de la procédure. En cas d'échec, on cherche la faille avant de recommencer. 
Si la recette est éprouvée et que la tradition a été transmise correctement, par voie orale, de génération en génération, elle se maintient certainement sans être altérée. L'ensemble constitue la "pharmacopée traditionnelle kanak", qui est constituée d'un ensemble de pharmacopées claniques censées ignorer de quoi sont faites les autres et qui se respectent mutuellement. En revanche, chacun sait quelle maladie est traitée par tel ou tel clan ; on peut faire appel aux compétences extérieures, si les traitements internes à son propre clan se révèlent non satisfaisants. Le terme de "médecine traditionnelle kanak" serait donc plus juste que "pharmacopée mélanésienne" ; on peut en effet connaître les personnes ressources contre telle ou telle maladie mais la nature des remèdes reste cachée. 
Les travaux des scientifiques ne portent que sur les remèdes dont ils ont pu avoir connaissance ou sur les plantes qu'ils ont testées de leur propre initiative. Certains Kanak souhaiteraient transcrire ce qu'ils savent pour éviter la disparition des "traditions des vieux", d'autres au contraire considèrent que ces savoirs ne doivent pas être divulgués, faisant partie de l'identité mélanésienne. D'ailleurs une collecte générale des traditions immatérielles se fait au Centre Jean-Marie Tjibaou, sous le sceau du secret, et seuls les ayant-droit peuvent consulter les données confidentielles recueillies dans ce cadre.
Par ailleurs, les plantes entrant dans les remèdes kanak sont toujours utilisées fraîches, de manière "extemporanée", ce qui exclut d'office la création de magasins de "simples" comme ailleurs les herboristeries ou les marchés aux "simples". Impossible par conséquent de se procurer des plantes sèches, puisque les médicaments doivent toujours être préparés avec des écorces, des feuilles ou autres organes végétaux bien frais..
En conclusion, la médecine traditionnelle kanak et plus généralement mélanésienne ou océanienne, a découvert les effets médicinaux de nombreuses plantes médicinales, en précisant les dosages et les pratiques thérapeutiques. C'est une richesse cachée qui reste difficile à connaître et mesurer exactement. 

LES SCIENCES HUMAINES ET LA MEDECINE TRADITIONNELLE
Un numéro du Bulletin Médical Calédonien et Polynésien (BM) rassemble plusieurs articles sur la médecine traditionnelle en NC, au Vanuatu, à Walllis et à Fidji. (http://bmc.test.isi.nc/pdf/BM42_2005.pdf) :
La médecine kanak vue par un anthropologue (p. 3 à 6), par un médecin (p. 4), avec trois exemples de pensées de "vieux" sur leurs pratiques (p.6). Quelques lectures utiles sont conseillées (p. 7 et 8). La maladie selon le patient wallisien (p. 9), la défense de la pharmacopée traditionnelle fidjienne dans un cadre officiel et associatif (p. 10-12) et enfin l'avis d'un praticien traditionnel d'Efate au Vanuatu (p. 13) complètent cette série d'articles très intéressants pour comprendre le rôle que peuvent jouer les plantes médicinales dans le contexte socio-culturel océanien.
Pour mieux réaliser en pratique la variété des situations qui peuvent entraîner l'apparition des maladies kanak, on peut s'intéresser par exemple à la culture de l'igname et aux interdits liés à sa production. 
Un article d'Isabelle Leblic sur l'igname situe en effet la place centrale de ce tubercule dans la société kanak et indique les nombreux interdits à respecter tout au long du cycle de ce tubercule ; ce cycle constitue d'ailleurs le calendrier traditionnel, de la plantation à la récolte (http://jso.revues.org/1439?file=1) 
Enfreindre un interdit est pathogène et les diverses forces surnaturelles qui veillent aux choses de la vie sont là pour sanctionner les écarts éventuels, d'où diverses maladies et une anxiété certaine devant ce risque immanent. 
Les ancêtres sont présents pour veiller au bon développement de cette culture, essentielle à la vie de la tribu. Toute perturbation qui ne s'expliquerait pas aisément est donc considérée comme un dérangement du cours normal de la vie agricole, provoqué par le non respect des interdits et donc des ancêtres. 
Ce tableau s'applique à d'autres domaines que la production agricole et toute infraction est génératrice de perturbations touchant la société et se traduisant parfois par des maladies. Le patient mélanésien est donc doublement atteint, d'une part en tant que malade et d'autre part en tant que coupable des désordres dont il souffre et qu'il impose par sa faute à la société. 
Dans ce cadre de pensée, le mélanésien souffrant est donc amené à rechercher en quoi il a pu déranger l'ordre social et les puissances qui se retournent contre lui en le stigmatisant par divers symptômes morbides.
Deux types de médecine co-existent donc en Nouvelle-Calédonie, la médecine biologique ou occidentale et la médecine traditionnelle océanienne, notamment mélanésienne et kanak. 
Chacune de ces deurx médecines se sert de plantes médicinales, soit pour en extraire des pincipes actifs, soit pour les administrer en l'état.

LA PHARMACOPEE FRANCAISE
Pour la pharmacopée française, la définition a largement évolué, depuis la première édition datant de 1818 et jusqu'à 2012, en presque deux siècles. (tp://ansm.sante.fr/var/ansm_site/storage/original/application/bdb7871a877feefa68265c7257badd16.pdf)
A cette dernière date sont reconnues 365 plantes médicinales inscrites dans la liste A qui regroupe des "plantes médicinales utilisées traditionnellement" et 123 espèces à éviter parce qu'elles sont connues pour une certaine toxicité. 
Cet exemple montre que l'usage des plantes, même connues depuis longtemps pour un usage "traditionnel" doit être étudié scientifiquement pour éviter toute mésaventure par erreur ou ignorance : la liste des 123 espèces traditionnellement utilisées mais écartées car potentiellement dangereuses illustre bien cette nécessité.
La formule "médecine traditionnelle" sert aussi, parfois, à qualifier la médecine "officielle", par rapport à des médecines qui seraient "parallèles". Ceux qui utilisent cette formule considèrent la médecine "biologique" comme "traditionnelle" parce qu'ils pensent l'avoir abandonnée pour d'autres, choisies pour différentes raisons. Il s'agit souvent de personnes ayant trouvé leur bonheur dans l'homéopathie, la phytothérapie, la médecine chinoise ou indienne, etc, de manière plus ou moins exclusive. Certains constituent leur propre syncrétisme médicinal et font appel à tout ce qui leur semble utile, dans un éventail aujourd'hui très ouvert.

ETHNOPHARMACOLOGIE, PHYTOCHIMIE
Pour les sciences exactes, qui se veulent universelles et objectives comme leurs consoeurs plus "humaines", l'étude des plantes, et particulièrement des espèces médicinales, se justifie par l'espoir de trouver de nouveaux médicaments. C'est un point sur lequel l'unanimité est à peu près générale. 
Cependant, pour que cette démarche présente de l'intérêt, il faut que le produit obtenu soit plus efficace, donc un médicament moins toxique, plus sélectif, plus pratique ou moins onéreux que les précédents. Seul un avantage comparatif déterminant est décisif dans le développement de ces nouveautés, mais pour le savoir et donner un avis en connaissance de cause, la recherche et l'innovation sont indispensables.
La substance active une fois déclarée utile peut ensuite être extraite ou synthétisée à l'état pur, dosée, liquide ou solide, sous une forme médicamenteuse industrialisée. La délivrance au public se fait selon des règles précises, en fonction d'un traitement prescrit et d'une posologie établie, en évitant divers écueils comme les contre-indications. Ceci arrive très rarement aujourd'hui, en raison des coûts très importants de l'expérimentation. Cependant la recherche sur les plantes se poursuit dans l'espoir de nouveautés exceptionnelles
Diverses méthodes s'offrent au chercheur, qui étudie les "potentialités pharmaco-chimiques de la flore". Il s'agit notamment de la prospection sytématique, de la prospection ciblée sur des familles à potentiel phytochimique connu, ou encore de l'ethnopharmacologie, science qui s'intéresse aux pharmacopées traditionnelles et souhaite s'en inspirer : c'est la méthode qui est utilisée en Nouvelle-Calédonie par l'IRD et UNC.
L'ethnopharmacologie est "l’étude scientifique interdisciplinaire de l’ensemble des matières d’origine végétale, animale ou minérale, et des savoirs ou des pratiques s’y rattachant, mises en œuvre par les cultures traditionnelles pour modifier l’état des organismes vivants, à des fins thérapeutiques, curatives, préventives ou diagnostiques". (Société Française d'Ethnopharmacologie : http://www.ethnopharmacologia.org/definition/)
Ce site APPAM-NC a pour ambition de présenter au lecteur ce que l'on sait sur les différentes espèces présentes en Nouvelle-Calédonie, soit 3425 espèces autochtones, selon Endemia, qui s'appuie sur les travaux des botanistes, et les 2008 espèces introduites, soit au total plus de 5400 espèces.

QUELQUES OUVRAGES A CONSULTER
Ouvrages sur les plantes médicinales de Nouvelle-Calédonie

Hommes et plantes de Maré (2011)
http://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers12-09/010053321.pdf

Bonnes Plantes de la Nouvelle-Calédonie (1980)
https://assomaleva.files.wordpress.com/2015/03/bonnes-plantes-de-nouvelle-calc3a9donie-et-des-loyautc3a9s.pdf

Les plantes médicinales de la Nouvelle-Calédonie (1973)
http://horizon.documentation.ird.fr/exldoc/pleins_textes/pleins_textes_5/pt5/travaux_d/06261.pdf

Traditional Tree Initiative : une trentaine de monographies de plantes du Pacifique.
http://agroforestry.org/projects/traditional-tree-initiative 
Quelques définitions par l'OMS, Organisation mondiale de la Santé 
http://www.who.int/topics/traditional_medicine/definitions/fr/
Divers
Opinion des médecins généralistes de NC sur la médecine traditionnelle : http://thesesante.ups-tlse.fr/524/1/2014TOU31040.pdf

L'Herbier et la Flore de la Nouvelle-Calédonie :
http://herbier-noumea.plantnet-project.org/

Flore et nature en Nouvelle-Caéldonie :
http://www.endemia.nc/flore/

L'Observatoire de l'environnement en Nouvelle-Calédonie 
http://www.oeil.nc/

Les espèces envahissantes : 
http://www.botanique.nc/la-vegetation/les-menaces/22-les-plantes-envahissantes

Les plantes utiles :
http://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers14-01/010052245.pdf
 


Lundi 4 Janvier 2016


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